Mois : septembre 2023

L’aventure dans l’aventure.

Oh la gadoue la gadoue la gadoue, nous susurrent gentiment à l’oreille Jane et Serge. Au bout de 500m, un pick-up s’arrête et nous dit : la piste va être grasse. Et bien… ce que dit un Américain de bon matin, s’avère vrai sur le chemin ! La boue nous empêche littéralement d’avancer ! On démonte les gardes boues sur un vélo, on coupe une partie des gardes boues au couteau pour les autres vélos… on avait l’impression de monter l’Alpe d’Huez tellement on devait s’employer pour avancer.

Moralité:  les gardes boues, c’est bien mais c’est mieux sans, en fait …

Et pour pimenter le tout, on est sans ravitaillement pendant 200kms et notre réchaud rend l’âme. Plus de gaz et impossible de le faire marcher à l’essence pour cause de fuite. Nous n’avons dans nos sacoches que de la nourriture se faisant au réchaud…

En prime, nous avons du faire 1 stop d’une journée pour cause de pluie, que nous n’avions pas prévu dans notre planif nourriture. On appelle cette accumulation de galères, « la loi des séries ».

Heureusement, une autre loi contrecarre cette première ou plutôt les valeurs humaines d’entraide et de bienveillance font que « quand tu es vraiment en galère, quelqu’un te tend la main pour t’aider ».  Dans un hameau constitué de quatre maisons, à l’annonce d’une journée de pluie intense, des fermiers nous ont ouvert une chambre dortoir dans leur ranch et nous ont offert pain-compotes et yaourts pour pouvoir manger sans réchaud pendant 3 jours sur la piste! Merci Keyssie !

Pour le soir, semoule froide ok. Mais la purée lyophilisée froide, on en parle ? « Ah bah là, c’est vraiment l’aventure comme ça » nous dira Antoine. Si tu le dis p’tit gars !

Sur cette piste, made in cold cooking, nous avons été les gardiens du cimetière de Lakeview. Impeccables les voisins, les premiers colons d’Amérique, nous ont laissé dormir tranquille ! Le panneau d’informations du cimetière nous a permis de faire un cours aux enfants sur la colonisation de l’Ouest sauvage.

Le lendemain, soleil, terre sèche, on repart comme sur des roulettes ! Et le soir, petit feu de bois pour manger chaud la fameuse purée ! L’apprentissage du feu de bois fait partie intégrante du programme scolaire des enfants cette année !

Comme dit si bien Sylvain Tesson, « il existe un rapport proportionnel entre la rareté des choses que l’on possède et l’attachement qu’on leur porte. » Pour ma part, ce sera un attachement sans commune mesure pour notre réchaud en état de marche ! 6 jours sans réchaud (impossible de trouver du gaz dans le village de Mac Inn).

Notre sauveur apparaît sur une piste nous menant au Yellowstone ! Impensable mais vrai. Vince travaille comme garde forestier. Nous avions ramassé des cèpes la veille et c’est la 20e personne que Julien arrête pour savoir si ces cèpes sont comestibles. On papote et on lui demande si on peut trouver du gaz avant l’entrée au parc de Yellowstone. Il nous dit, avancez sur la piste, je reviens.

Et là, tel un dieu-réchaud, il revient avec un adaptateur qui se connecte à notre réchaud et 2 bouteilles de propane. Yaouhhh !!! On lui fait tous la bise ! Et en plus les cèpes sont comestibles. Vince, on pense à toi à tous nos repas !

Nous arrivons le lendemain au Parc de Yellowstone. Après la solitude des montagnes, nous nous attendons à prendre un bain de foule. Au final, nous prenons une piste cyclable et ensuite une voie en travaux où seuls les cyclos peuvent passer. Nous profitons seuls au monde, des troupeaux de bisons. A la pause pique-nique et au bivouac, nous entendons des loups hurler. Féerique ! On en prend plein les yeux au niveau géologique avec des geysers et des hots springs.

Nous faisons à 90% du camping sauvage avec confort sommaire mais cela est interdit dans les parcs nationaux. Donc niveau campground dans le parc : 1 bivouac seuls au monde dans un campground back country (accessible uniquement à pied ou vélo) puis 1 accueil par Neil un après-midi, qui offre aux enfants des glaces et à nous un poulet pour le soir.

Par contre,  Anna aura dormi le jour de ses 8 mois dans des toilettes … mais des toilettes d’Américains quand même ! On vous raconte : on a passé un col à 2600m, 50 kms dans les jambes et quand on arrive au camping prévu, il est… fermé. Il est bien trop tard pour aller au prochain. Le gardien du camping fait une ronde et nous aperçoit. Il nous dit que ce n’est pas possible de camper car nous sommes dans un parc national. Mais si personne ne nous voit, on peut rester ; mais que lui ne sait rien. Et il nous désigne discrètement les toilettes qui ont été nettoyées de fond en comble. Pas le choix … Vélos cachés côté femmes, nous dormons coté hommes, face aux urinoirs. Glamour, je sais… Le matin, petit dej vite fait dans les toilettes avant de déguerpir sans que les rangers nous voient… Un grand merci à toi, gardien du GrantVillage Campground d’avoir fermé les yeux sur notre venue. Anna a été notre joker ! (je rigole toute seule devant mon écran en imaginant la tête de dégoût de ma maman en lisant ces dernières lignes !).

Une grande pensée pour Neil, Nancy, Phil, Garry, coups de cœur de ces derniers jours, pour vos sourires, gentillesse et bienveillance. Des popcorns offerts aux enfants dans une caravane au moment d’une averse à un petit bout d’emplacement prêté pour mettre notre tente sur un spot complet ; et on en passe… On est parti découvrir une partie du monde et le partage avec des gens de tout horizon nous comble. « It’s amazing » est la phrase que les gens nous disent le plus souvent dans la journée mais c’est en rencontrant des personnes comme vous que cette phrase prend tout son sens dans notre aventure.

En plus des rencontres, on en a pris plein les mirettes et cela a continué bon train à notre entrée au parc du Grand Téton.

Niveau température, il commence à faire très froid (cela fait 10 jours que l’on ne dort pas en dessous de 2000m) et on met toutes les couches que nous avons. Anna me rejoint dans mon duvet à plusieurs reprises, notamment quand il gèle pour être sûr qu’elle ne souffre pas du froid. Les enfants ne se plaignent jamais, sortent de la tente joyeusement et jouent de bon matin. On fait du feu tous les soirs. Les affaires mettent un peu de temps à sécher. Le plus fatiguant est de concilier la pluie avec les règles pour les ours. Cela nous oblige à mettre un tarp pour manger car on ne peut manger sous la tente. La logistique est beaucoup plus lourde mais la chance est avec nous : il fait plus froid qu’il ne pleut. Heureusement car avec 3 enfants sur cette route merveilleuse mais physiquement éprouvante, la logistique est déjà coriace !

Pour Anna, toujours un peu long de l’habiller/déshabiller avec des écarts de température entre la journée et la pluie d’environ 25 degrés.

Mais elle se marre donc on considère qu’elle ne souffre pas du froid, cette petite sœur « Patagonia  » comme disent Antoine et Agathe. 

On fait les devoirs quand la fatigue n’est pas trop présente ; les enfants ont appris l’histoire de Lewis et Clark et de la colonisation de l’Ouest. On est hors programme, ne faites pas de signalement à l’inspection académique svp… Nous voyons pas mal de choses sur le vélo : tables de multiplications, apprentissage de syllabes, révisions de l’imparfait, calcul mental ou encore initiation à la mécanique vélo et orientation via cartes ou GPS. Certaines fins d’après-midi, on se pose 30 minutes pour que les enfants fassent des devoirs écrits. On ne néglige pas les récréations avec les séances craquages des enfants. Ni la séance de sport : pompes, squats, gainage…

Nous sommes actuellement à Colter Bay au parc national du Grand Téton et avons repris la route de notre chère Great Divide. Feu de bois allumé tous les soirs car le froid est bel et bien là. On a parfois le wifi dans certains magasins, on récupère tous les messages/mails et on les lit tous ensemble en faisant chauffer les chamallows. Merci pour tous ces encouragements et vos nouvelles de France, du Canada et des États-Unis. 

Le coin des anecdotes

La forêt est remplie de cèpes. On en salive d’avance surtout vu l’état de nos sacoches nourriture. Mais on ne sait pas si il y a des variétés toxiques en Amérique du Nord. On demande à 2 cow-boys, puis à 1 chasseur, puis à 1 caissière de supermarché, puis à plein de monde si ils sont comestibles. Ca permet de belles rencontres ! Notamment avec le chasseur à l’arc (le physique et le look d’un nain dans le seigneur des anneaux) qui a fait un topo à Antoine et moi (dixit Ju) sur la chasse au chevreuil à 21h. Il a failli  réveiller Anna en voulant nous faire la démo de son appeau pour les chevreuils. Par contre pour les cèpes… la seule  chose qu’il en savait, c’est que la montagne en est couverte. Mais on a piqué son intérêt et l’on s’est quitté en disant que s’ils étaient comestibles, il mangerait des omelettes aux cèpes en pensant à nous. 

On n’était pas plus avancé pour les déguster. Et comme nous l’a résumé un cyclo américain, qui avait voyagé en France et qui comprenait ma frustration de Français de ne pas pouvoir manger ces cèpes : « ici, si ce n’est pas emballé, ce n’est pas comestible ». On a même provoqué, lors d’une pause lunch, un bouchon de quads sur une piste, pour savoir si ceux qu’on venait de trouver en préparant les sandwichs étaient comestibles. Une pin-up dans un des quads nous regarde d’un air dégoûté quand elle apprend qu’on voudrait les manger. Fou rire garanti !

On a découvert le principe du parc national en drive : tu ne descends pas de ta voiture. Tu t’arrêtes, tu baisses ta vitre, tu prends ta photo, tu remontes ta vitre et tu repars. Ça nous a valu une belle frayeur quand des voitures bloquent les deux voies de circulation pour prendre en photo, depuis l’habitacle, le troupeau de bisons, qui lui veut traverser la route, avec nous au milieu entre les deux files de voitures.

Nous sommes parfois l’attraction. Au parc de Yellowstone, beaucoup de touristes nous prenaient en photo quand nous faisions un stop sans même nous dire bonjour ou nous demander la permission de nous photographier. Je vous l’avoue, j’ai fait des sourires aux gens qui nous demandaient la permission et… j’ai fait des grimaces sans que les enfants me voient aux autres.

Monsieur le Directeur de Super U, impossible pour nous de manger du bison. Nous sommes des rangers juniors et nous avons prêté serment. Nous devons protéger cette espèce !

Le coin des naissances

Ces dernières semaines, la Terre a accueilli 4 petits êtres en plus que nous aimons déjà et on aimerait leur souhaiter la bienvenue ! On vous souhaite tout le bonheur du monde les petits bouts : 

– Margot, tu devrais, au vu du déroulement de ta naissance, préférer comme ta maman le vélo à la piscine ! La maman est ma copine Lucie avec qui j’ai traversé certaines routes du monde sur nos vélos, Pedro et Hilario, il y a 12 ans. Grosse pensée pour vous trois !

– Achille, Côme et Louis, on pédale pour vous donner toute notre énergie pour que vous puissiez rejoindre au plus vite vos supers mum’s à la maison ! Prenez plein de forces ! Antoine dit que vous allez faire une superbe équipe de foot et bien sur, aimerait être dans votre équipe !

Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’enfer !

Bon matin (comme disent nos amis québécois),

Nous repartons d’Helena, capitale du Montana. Encore une ville où il ferait bon vivre. La capitale compte 35 000 habitants et ils ont une mentalité très décontractée (on peut prendre le café avec le gouverneur au capitole, c’est dire !). Helena est magnifique avec ses blocs de vieilles maisons, ses rues arborées, ses parcs, sans oublier qu’elle est entourée de montagnes. Encore un paradis pour ceux qui ne veulent pas choisir entre ville et nature.

Nous repartons gonflés à bloc grâce aux bons petits plats cuisinés par Samy et Murray (qui n’a jamais mangé une tarte aux pommes de Murray, ne sait pas ce que c’est une tarte aux pommes !). On fêtera avec eux nos 1000 kms au compteur. Un tour en train de la ville et un musée plus tard, nous revoilà sur nos montures.

Nous partons confiants, le dénivelé est moindre. Mais… nous avancerons sur plusieurs jours, péniblement à 8km/h avec un vent de face terrible. Un soir, Etien, nous voyant les traits tirés et avançant péniblement sur un chemin pas évident, nous propose gentiment la guesthouse accolée à sa maison avec 1 petit déjeuner 4 étoiles à la clef ! Ça requinque !

Les endroits de bivouacs sont moins évidents mais toujours aussi magiques, nous obligeant parfois à parcourir 55 kms en montagne. Nous sommes étonnés : pas de râles ni de pleurs des enfants. Antoine est même ravi de faire tomber son record de kilomètres. Et Agathe trouve le moyen de courir à côté du vélo avait son rire malicieux.

Nous passons nos nuits le plus souvent en bivouacs sauvages ou campground, seuls au milieu de cette nature si impressionnante et nous rendant si petits (soleil sans coin d’ombre, orage, vent, froid nous demandent vigilance et d’établir nos journées en fonction de la météo). Nous prenons également plaisir à passer du temps avec les Américains et en apprendre plus sur leur quotidien et culture. Les enfants adorent aller dans les stations-service (cela nous permet de remplir nos gourdes notamment sans avoir à filtrer notre eau) et regarder le va et vient incessant des Américains au rayon sodas. Ils se servent par litre des sodas ou des glaces pillées de toutes les couleurs, ont le choix entre dix cafés différents, qu’ils agrémentent avec dix sirops différents.

Les enfants hallucinent. On en profite pour les sensibiliser au problème du diabète. C’est comme en France pour les campagnes contre la consommation de cigarettes : quand tu veux une glace, tu as en prime la campagne de com anti-diabète.

Nous avons été invités dans diverses habitations, de niveau de vie très différents. Nous passons de repas confectionnés avec soin à des repas en mode auberge espagnole, à des prières en début de repas ou encore à des repas où 3-4 langues se mélangent… Nous avons passé deux soirées mémorables chez John, à Butte, qui accueille jusqu’à dix cyclos. Nous apprécions ces moments  de vie au sein de cette « communauté cyclo ».

Les enfants en redemandent. Ils jouent avec ces inconnus sans se faire prier, les submergent de questions, les inondent de câlins au moment des adieux. 

Ils ne font jamais aucun commentaire sur le lieu où on va, passent de lits confortables à leurs matelas à même le carrelage. Leur adaptabilité est appréciable, sans préjugé ni jugement. Si cette graine de respect pouvait continuer à germer dans leurs cœurs par la suite…

Nous avons fait de nouveaux cols et avons bivouaqué à 2300m et même 2500m (sortez couverts !). Nous arrivons dans des zones plus désertiques avec de la nourriture tous les 200 kms. Alors on planifie, on calcule, on … recalcule, on fait une liste et … on refait une liste, on cherche des lieux de bivouacs sauvages sur Google Maps, on interroge les locaux qui trouvent parfois cela « crazy » et en profite pour filmer les petits Français.

Mais la partie la plus sauvage du Montana ne nous a pas résisté. On a même eu la chance, après une journée très froide (Agathe avait legging-doudoune-cagoule- moufles …), de profiter d’un bon bain dans une source d’eau chaude. Les 2 premières leçons de bébés nageurs pour Anna se sont bien passées ! 

Il a fallu 40 kms pour passer à une montagne plus aride et plus désertique. Le vent est de plus en plus fort, on a dû alourdir les sacoches d’Antoine pour ne pas qu’il s’envole !

Et on devrait s’offrir un petit détour de 200km pour … aller rouler avec des bisons au mythique parc de Yellowstone. On s’est fait attrapé par les récits d’autres cyclos et ça donne vraiment envie. Affaire à suivre… nous sommes à Lima si vous avez une carte sous les yeux.

Le coin des petites anecdotes :

  • Un soir, 21h30, Agathe me pose une énième question de la journée. « Ecoute, Agathe, ce n’est plus l’heure, on verra cela demain ». Réponse : « Et bien si vous voulez pas répondre à nos questions, vous n’aviez qu’à pas nous faire ! »…
  • Liniment épuisé pour Anna. Impossible d’en trouver en magasin. Le côté écolo des américains ne nous a encore pas sauté aux yeux … Il n’y a que des lingettes nettoyantes en stock. Un blender emprunté, de l’huile d’olive, de l’eau et un citron plus tard, le tour est joué ! 
  • A croire que le boulot manque à Ju. Il s’est  remis à monter des planches … pour mettre la nourriture sur le toit des toilettes en béton des campgrounds. Ça va plus vite que de la hisser dans un arbre! Et ses gardes de nuit doivent lui manquer, il étudie certains soirs l’itinéraire jusqu’à 2h du mat… Il nous fait cela aux petits oignons, et prévoit même les itinéraires bis !
  • On a voulu aller voir un vieux pont, on laisse Antoine vous raconter mais on ne sait pas comment ils ne nous ont pas maudits … mais il était beau ce pont !

On vous souhaite une belle rentrée à tous, petits (et particulièrement à Aubin, Néha, Margaux, Elsa et Martin pour leur grande première) et grands (et oui on a pas mal de potes instits). 

Prenez soin de vous ! A bientôt sur les ondes!

La french family