Nous essayons toujours de nous adapter au pays dans lequel nous voyageons. Julien a donc planté le décor dès notre arrivée en Turquie : il a tout d’abord adopté la moustache pour son plus grand plaisir (un peu moins pour le mien), et, dès le pied posé à Istanbul, il a offert une tournée générale de kebab à toute la famille. Sur les derniers jours mexicains, il avait appris tous les mots turcs tournant autour du kebab.
Notre arrivée à Istanbul (après un vol en 1 correspondance au lieu de 2, merci Air Canada et 8h de décalage horaire) se fait de la meilleure des façons possibles. Les enfants retrouvent par surprise leurs grands-parents maternels. Puis un jour plus tard, à notre tour d’être surpris par l’arrivée de mon frangin et de Solène. On passera 5 jours chaleureux partagés entre visites (Sainte Sophie, palais de Topkapi, mosquée bleue, Grand Bazar, bateau sur le Bosphore…), découverte du bain turc (on a tous retrouvé une peau de bébé : gommage et massage en mode bain moussant), parties de jeux de société endiablées, découverte culinaire, devoirs avec les grands-parents, Anna qui allonge ses premiers pas, partage de temps ensemble …
Une semaine plus tard, beaucoup d’émotions en se disant au revoir. Il est temps pour nous de remonter sur nos montures, avec 30 degrés en moins au compteur par rapport au Mexique. Une fois les doudounes remises, nous prenons un ferry pour sortir d’Istanbul et rejoindre Yalova en traversant la mer de Marmara. Nous sommes accueillis par Aşme et Mert, leurs 2 enfants de 1 et 6 ans et Mamie Nezahat. Quel accueil ! Ils ne nous laissent par repartir le lendemain et nous resterons avec plaisir une nuit de plus. Nous avons le droit à 2 leçons de turc (pas facile !), nous goûtons avec délice les baklavas, yufka, poissons frits et autres spécialités locales, et ils nous parlent du « Sufi trail ».
Quand on voit comment les voitures roulent en Turquie, on s’intéresse de près à cet itinéraire. Ni une ni deux, on contacte Iris et Serdat, fondateurs de ce trail, et ils nous envoient dans la minute qui suit le tracé GPS. Quand ça veut, ça veut ! Nous voilà donc actuellement sur ce tracé avec environ 4 fois plus de dénivelé que sur les 2×2 voies mais nous avons retrouvé les montagnes et sommes heureux ! Un soir, des paramedics nous conseillent un endroit pour camper et à 19h15, heure à laquelle ils rompent le jeûne (nous sommes en plein mois de ramadan), ils arrivent au niveau de la tente pour partager un festin avec nous!
Après 3 mois à rouler sur le plat au Yucatan, il nous fallait un stage de renforcement en montagne. On est servi : les dénivelés sont plus importants que ceux que l’on a connu dans les Rocheuses et les pourcentages… bah 31% on n’avait jamais fait. On sera affûté pour faire le Tour de France, comme dit Antoine, en quittant ces montagnes.
Dans un voyage au long cours, certains journées se démarquent grandement des autres. Ce matin là, il neige à gros flocons. Nous avons dormi en dur. Le débat commence pour savoir si nous prenons la route sur cette étape de seulement 23kms mais avec une partie sur piste, 600 mètres de dénivelé positif, une météo peu clémente : grêle, rafales à 30 km/h et la neige sont prévus. Comment ferons nous pour les changes d’Anna ? L’allaitement ? Lutter contre le froid pour Agathe et moi (les frileuses de la famille) ? S’arrêter manger ? Prendre une pause ?
Oui mais… c’est quand même magique de rouler sous la neige non ? Antoine : « Moi, c’est mon rêve, s’il vous plaîîîîtt. » Agathe : « Je voudrai faire plaisir à Antoine mais j’ai peur de pleurer à cause du froid. » Anna : Elle gambade dans le couloir en se marrant… Nous : « Antoine, nous ne partons pas pour 1h de luge avant de se remettre au chaud à l’intérieur. » L’ enthousiasme d’Antoine est contagieux doublé à l’envie d’être à Eskişehir 2 jours plus tard pour les 7 ans d’Agathe et les 9 d’Antoine.
Réfléchissons à la logistique : il nous faut une adresse en arrivant pour ne pas chercher 1 heure un logement, changer et allaiter Anna juste avant de partir, emmitoufler Agathe et lui couvrir les pieds (zone la plus délicate), préparer le pique-nique et un thermos de thé avant de partir pour ne pas s’arrêter longtemps, repérer des petits hameaux en cas de pépin,… et oui nous partons avec 3 enfants dont un bébé. Que de questions que nous ne nous posions pas avant !
Deux heures plus tard, on s’élance. On fera 3kms en 1h, on descend de nos vélos, on pousse, la pente est très raide. Mais effectivement, c’est magique cette neige qui nous entoure, dur mais magique. Les garçons se livrent à des batailles de boules de neige. Avec Agathe, on discute et on admire ce magnifique paysage mais c’est le deal, pas de batailles pour elle avant l’arrivée, elle garde ses gants secs. Anna, comme les bébés du nord de l’Europe fait des siestes du tonnerre dans sa remorque (elle dormira 2h le matin et 2h l’après-midi).
On entend le muezzin et sa mélodie au milieu de ce paysage grandiose, irréel. Et puis… ce pique-nique sous l’abri bus interrompu par Selattin et Sevim qui nous invitent à se réchauffer chez eux. A peine la porte passée, un festin est cuisiné pour nous. Ils sont honorés de nous recevoir, veulent nous garder pour la nuit mais nous voulons continuer un petit peu. Nous avons les larmes aux yeux en repartant 2 heures plus tard tellement il y a d’émotions. Quand la maman de Selattin nous sert dans ses bras, on sent réellement la bonté de cette femme.
Une énorme montée sur une piste neigeuse où nos pneus dérapent, un soleil timide qui pointe son nez pour la descente après avoir passé un col venteux (indice : il y avait 10 éoliennes) et une belle descente où nous rions, soulagés et ravis d’avoir réussi sans pleurs et avec le sourire de nos enfants. Nous sommes accueillis le soir par Burak et Shirva, la journée se finira en dancefloor.
Nous avons l’impression d’avoir vécu 10 journées différentes en une. Que nos cœurs ont battu la chamade pour l’effort physique, pour la beauté des paysages et évidement pour les émotions procurées par la rencontre avec ces personnes pleines d’amour et de bonté. Durant ce voyage, nous avons évidemment des moments de discorde avec nos enfants (nous avons pimenté notre vie avec 3 enfants mais on ne connait jamais la force du piment, pour notre petite Agathe le piment peut parfois être doux mais aussi…relevé !). Aujourd’hui, nous avons été admiratifs de leur progression physique et mentale, leur persévérance, et tellement heureux d’avoir évoluer à leurs côtés. Émerveillés et le sourire béat, nous nous endormons, ravis d’avoir pris la route.
Nous continuons le lendemain notre route vers Eskişehir où nous dormons dans un community center spécial cyclo ! Un beau concept de partage où les cyclos de la ville se rejoignent pour des ateliers vélos, la maison est le point de départ pour rouler ensemble et pour faire un repas après et une partie sert de guesthouse pour cyclistes du monde entier.
Nous découvrons avec joie ce nouveau pays, nous commençons à prendre nos repères en 15 jours : alimentation, monnaie locale (lire turque), chant du muezzin lors des 5 prières quotidiennes, gentillesse, bienveillance et générosité des turcs (les mexicains, vous avez de la concurrence) … Pour la langue, c’est plus compliqué, on ne comprend rien ! Peu de monde parle anglais. Beaucoup de gestes pour s’exprimer et … merci google traduction !
Nous alternons entre nuits dans des familles, chambre dans une colonie de vacances que l’on nous prête, une nuit en hôtel car il faisait vraiment froid et, avec joie, nous avons retrouvé le camping sauvage. Le froid devrait être désormais derrière nous.
A bientôt pour de nouvelles aventures. Güle güle.
Le coin des anecdotes
Je voulais remercier les muezzin de Turquie qui bercent nos enfants le soir quand nous sommes dans la tente. Vous avez de jolis voix messieurs.
Quand mon regard croise celui des femmes en burka intégrale, le choc des cultures s’opère. Perso, j’aimerais leur donner mon magasine féministe préféré : » Causette ». Et ces femmes, elles, elles doivent se dire que je ne suis pas gênée de me trimballer en legging et T-shirt. Bref, il faut de tout pour faire un monde mais j’aimerais m’assurer qu’elles sont tout à fait heureuses quand même… Agathe trouve que leur tenue est dangereuse, qu’elles peuvent tomber et s’empêtrer dans leurs voilures. Argument à avancer aux hommes de la maison peut-être ?
Pour finir, quelques photos de la fin du Mexique, ça réchauffe, c’est psychologique. Et puis, on en profite pour remercier Ilya, qui nous a accueilli à Playa del Carmen. Il nous a aidé à récupérer les cartons, nous a fait de supers hamburgers, nous a emmené à l’aéroport. De grandes discussions sur la guerre en Ukraine, sur le fait qu’il ne peut pas rentrer voir sa famille à Moscou au risque d’être mobilisé… Ilya, on peut te le dire maintenant, avec tous tes ordis, tes caméras de surveillance… on s’est fait un film et on s’est dit que peut-être tu étais un espion russe ?